LE VIEIL ÉTANG
Mark Peintre et François Foubet
Exposition de peinture Du 10 au 16 octobre 2024 Vernissage samedi 12 octobre de 17 h à 23 h 30 au Studio Albatros avec une performance de DJ Jimmy FloydFuru ike ya
Kawazu tobikomu
Mizu no oto
Vieil étang ( ) Ya : élément vide
Grenouille saute là-dedans
Le son de l’eau
(La voix de l’eau)
— Version originale en japonais par Matsuo Bashō (1686), traduction libre en français par l’auteure (Livia Frôle)
La mare archaïque vide. De quoi parlons-nous ? Du vieil étang ou du vieil étant ? Quelle étrange homonymie… Et ce vide que je ne peux ici signifier qu’entre parenthèse. Un « entre parenthèse » où nous ne parlons, ne parlerons et n’avons toujours parlé que peinture, pour le moins (étant donné que). La toile étendue et tendue est vide et pourtant archaïque. Elle est vide et silencieuse et pourtant tout est déjà là parce qu’elle est vieille ; le vieil étant que voilà, à nouveau encore né.
Lorsqu’il a fallu choisir un thème pour cette exposition, il s’agissait de raconter une histoire, comme si peindre ne suffisait pas. François a alors demandé à Mark :
« Connais-tu cet haiku célèbre :
Le vieil étang…
(je ne me souviens jamais, je me trompe toujours)
Oui… Une grenouille plonge.
Le son de l’eau »
François, songeur, a ajouté :
« Oui, j’ai déjà travaillé le sujet, j’ai envie de m’y replonger, cela me rappelle un peu mon enfance. »
Mark a répondu :
« Oui, j’ai aussi mes étangs, ils sont à Toutainville ( ) mon enfance aussi. Et puis, il y a l’étant. »
François a conclu :
« Entendu, ce sera donc le vieil étang… Il nous attend, étendu sur toile et sur papier.»
Les étangs de Toutainville, 2024 © Mark Peintre
Dans les étangs, le vide, sur la toile vierge ou le blanc du papier, la figure surgit du silence, ou grâce au silence. La figure aurait pu être le pape Innocent X de Bacon parce que la latence d’une image ou le mouvement vainement décomposé de Muybridge*. Mais c’est une grenouille. Une grenouille a ceci de remarquable que son corps d’apparence flasque et rebutant, presqu’informe, contient d’emblée le mouvement. Au bord de l’étang, elle s’apprête à plonger, elle y nage en même temps : elle incarne la synchronicité. C’est bien de cela qu’il est question dans cette exposition : un temps non plus linéaire mais circulaire, où nos trois états ordinaires (passé, présent, avenir) seraient les variables d’ajustement de notre subjectivité. La grenouille plonge, elle a plongé ; les éclaboussures semblent en témoigner, et pourtant, elle revient déjà dans un même mouvement, des profondeurs et de l’obscurité. Elle va, elle nagera vers… Elle fuit l’obscurité, la lumière en dessous d’elle. Elle est le bruit de l’eau avant, pendant et après le plongeon. Livia Frôle, auteure indépendante, poétesse et amie des artistes
*Eadweard Muybridge (1830-1904) est un photographe britannique, renommé pour ses décompositions photographiques du mouvement. Sa photographie The Human Figure in Motion (1901), a influencé les toiles de Bacon.
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